Yan MORVAN

Blousons noirs

Avec les années cinquante, Paris et sa banlieue voient apparaître les “Blousons noirs“*, les mauvais garçons se réunissent en bande au son du Rock’n’roll qui débarque en France avec les 45 tours. Cette jeunesse a les yeux tournés vers les Etats-Unis. Leur devise : “vivre vite, mourir jeune, faire un beau cadavre“, un style rockabilly-bikers qui fera peur aux français jusque dans les années soixante-dix.

Yan Morvan livre avec ce travail initial une œuvre documentaire, un témoignage dont il est le premier à révéler un aspect de la société française en marge.

Reconnu par le milieu journalistique pour son audace et son indépendance, il a choisi de photographier cette jeunesse au plus près de la réalité. Sans prise de position ou de jugement. Une immersion qui se fait au fil des rencontres du photographe qui n’hésite pas non plus à se mettre en danger, captant ainsi les tensions et les rivalités qui s’exercent au sein des bandes. Avec ces documents rares, la série “Bousons noirs“ reste un témoignage sociologique de référence.

Gangs

“Gangs“ c’est le récit ethnographique de ces bandes qui sévissent à Paris et en banlieues depuis les années 1970. Menant une véritable investigation sur le terrain, Yan Morvan s’y est infiltré durant près de quarante ans. Ces images sont le récit d’une histoire commune, celle de l’évolution d’une jeunesse dans un microcosme régi par des codes et des lois bien particulières. Des blousons noirs rockers des années 1970 aux Blacks Dragoons des années 2000 ce sont de véritables contre-sociétés où l’on se retrouve et s’exprime pour y trouver une place, un statut et une reconnaissance. L’évolution de ces gangs est aussi liée aux phénomènes culturels : le rock et le punk des années 1970 et 1980 feront place dans les années 1990 aux cultures hip-hop et rap héritées des États-Unis.

Anarchie au Royaume-Uni

Les négatifs de cette série viennent d’être redécouverts par le photographe. Ils étaient restés chez lui, enfouis dans une boite nommée “Angleterre“ depuis les années quatre-vingt. 

Lorsque Yan Morvan débarque pour la première fois  à Londres en novembre 1979, il découvre les bandes de Punks à crêtes, de Skinheads nazifiés, de Rude Boys et  de Hooligans sur le pied de guerre, de Mods juchés sur leurs scooters. S’offre au regard du photographe un vaste théâtre à ciel ouvert dont les acteurs paraissent sortir d’Orange Mécanique, le grotesque millénariste d’un Jérôme Bosch en plus. Dans les rues, s’égaillent en ribambelles tapageuses des jeunes improductifs qui entendent répondre au désespoir par la vitalité, pour qui l’ennui semble bien pire que la souffrance…

Ces photo révèlent l’essence d’une Angleterre jalouse de ses traditions, de son savoir vivre qui entend recycler à jamais un passé glorieux et une autre qui dans les convulsions de l’une des pires crises de son histoire cherche une raison d’être. 

(d’après un texte de Francis Dordor)

Bobby Sands

Yan Morvan est à l’époque photographe pigiste à l’agence de presse Sipa, une des trois grandes agences de presse photographique parisienne des années 1980. Il a le profil du jeune reporter déterminé risque-tout qui convient à la situation d’émeutes qui règne en Irlande du Nord. Il est alors tout naturellement envoyé sur les affrontements de Londonderry en avril 1981. Il y restera trois semaines et y retournera plusieurs fois pendant cette même année.  

« Ces semaines que j’ai vécues à Derry et Belfast, vivant avec les émeutiers de quartiers catholiques, photographiant la tension, le désespoir, la foi et le courage des Irlandais, utilisant l’appareil photographique comme d’une arme servant leur cause, me persuadèrent à tout jamais du bien-fondé du témoignage photographique comme instrument de mémoire, d’émotion, de réflexion, gages d’un monde libre et démocratique ». Yan Morvan

La ligne verte, Liban

De 1982 à 1985, Yan Morvan raconte la guerre du Liban telle qu’il l’a vécue, sans jamais prendre parti ni privilégier un des acteurs de ce drame.
Il restitue le plus fidèlement possible les épisodes marquants de ce conflit majeur.
En parallèle, il livre un reportage saisissant réalisé avec sa chambre photographique grand format sur la “ligne verte“ le no-man’s land qui sépare Beyrouth-Est de Beyrouth-Ouest.

Pendant près de quarante-cinq jours Yan Morvan a parcouru cette ligne de désolation du côté ouest. De la montagne juqu’au port, rue après rue, maison après maison, il a rencontré les acteurs de cette veine sanglante et tiré leur portrait avec une chambre photographique 4×5 inches.
Sur le stand seront présentés des tirages cibachromes grand format des années 1990 dont le tirage unique (le négatif ayant disparu) du portrait d’une grande dignité d’Hayat Khorbotli.

Champs de bataille

En 2004, avec une chambre photographique Deardorff 20 × 25, je commençais une série sur les lieux de batailles. Ces lieux racontaient-ils encore l’Histoire ?
Sans céder à l’émotion brute, je voulais m’adresser à la conscience, montrer par des paysages parfois anodins une “géographie” de la démence humaine.
Je recherchais une autre manière de témoigner d’une réflexion sur l’image et de la réalité de la guerre. J’ai commencé à photographier les champs de bataille de France, les plages du débarquement, puis ceux de l’Europe, notre famille qui s’est si souvent déchirée. 

J’ai parcouru les champs de bataille d’Europe et de l’océan Pacifique, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie. 

Yan Morvan

Expositions

2016

Blousons noirs

Galerie Huit, Arles

04.07.2016 – 23.07.2016

2014

Gangs

galerie SIT DOWN

25.01.2014 – 22.02.2014

Biographie

Yan Morvan est né à Paris en 1954. Après des études de mathématiques puis de cinéma, il effectue des reportages sur les Hells Angels de Paris, puis, sur les prostituées de Bangkok. En 1974, il publie sa première photographie dans le quotidien Libération. Jusqu’en 1976, il collabore à l’agence Fotolib de Libération, puis à l’agence Norma. La même année, paraît son premier livre sur les rockeurs, Le Cuir et le Baston (prémices d’un travail sur les gangs qui durera vingt ans). Ensuite, il intègre l’équipe de Paris Match, puis celle du Figaro Magazine jusqu’en 1980.

De 1980 à 1988, il rejoint l’agence Sipa et devient correspondant permanent de l’hebdomadaire américain Newsweek, pour lequel il couvre les principaux conflits : Iran-Irak, Liban, Irlande du Nord, Philippines, Chute du mur de Berlin, Rwanda, Kosovo… et même le mariage de Lady Di dont sa photo fera le tour du monde. Photographe indépendant depuis 1988, reconnu comme l’un des plus grands spécialistes de la photo de guerre, il collabore régulièrement avec la plupart des grandes publications internationales.

Ses reportages de guerre lui vaudront le prix Robert-Capa (pour son travail au Liban en 1983) deux prix du World Press Photo et de nombreuses récompenses décernées par les écoles de journalisme américaines.

Mettant sa notoriété et son expérience au service des jeunes photographes, il est successivement formateur à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (ENSP), et au Centre de Formation des Journalistes (CFJ). En l’an 2000, sa série de portraits de jeunes victimes de la route, fruit d’une commande pour le FNAC (Fonds National d’Art Contemporain), a été exposée au festival international de photojournalisme Visa pour l’image. Depuis 2004, il enchaîne les reportages sur des sujets de fond : les banlieues et les victimes de guerre ou de la route.

Yan Morvan est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands photojournalistes français. Ses nombreux scoops lui vaudront une reconnaissance et une notoriété internationale, mais également beaucoup d’ennuis : au Liban, il sera condamné à mort à deux reprises, y réchappant toujours de façon miraculeuse. En France, son travail pour Libération ou Paris-Match sur les gangs lui vaudra d’être pris en otage et torturé pendant trois semaines par le serial killer Guy Georges. (Gangs Story, publié aux éditions de la Manufacture retrace l’histoire des gangs des années 70 à nos jours.