Dans son studio installé au centre de Séoul, Tim Franco réalise le portrait de ces Nord- Coréens à la chambre photographique polaroïd, procédé qui laisse le temps d’une rencontre et de l’échange, et il recueille leurs histoires. Contrairement à l’usage, il conserve le négatif une fois détaché puis le traite chimiquement pour le révéler à nouveau. Le résultat final est cerné de vert, parfois accidenté, marqué, comme le sont les parcours de ces individus ayant fui au péril de leur vie. L’acte de revaloriser le négatif entre en résonnance avec le parcours de ces personnes qui reprennent possession de leur liberté, de leur histoire et qui n’existent plus aux yeux du régime nord-coréen. Une manière pour le photographe de s’extraire d’une photographie purement documentaire. Le geste photographique est souligné à travers une expérimentation technique et esthétique. Chaque portrait est un parcours, une aspiration différente à fuir, l’occasion de mettre des visages et des noms sur un phénomène de migration méconnu.
Afin de tenter de mieux comprendre ce que ces hommes et femmes ont fui, Tim Franco, accompagné d’un journaliste, séjourne une dizaine de jours en Corée du Nord. Il souhaite s’éloigner de la plupart des images rapportées de ce pays : des rues vides, des foules ordonnées lors de célébrations du régime, flirtant avec l’étrange ou tournées en dérision. Conquis par la beauté des paysages et des villes nord-coréennes, ses photographies se démarquent par une remarquable harmonie de couleurs et de lignes très graphiques. Les couleurs vives des panneaux de propagandes peints contrastent avec des tonalités plus douces des espaces photographiés. Certains paysages urbains, immaculés, comme hors du temps sont déroutants pour l’œil occidental. Une anxiété se lit en filigrane, celle de faire un pas de côté et d’offenser le régime omniprésent à travers sculptures monumentales et affiches de propagandes. Ses images sont très construites sans être pour autant mises en scène.
La dimension documentaire des photographies de Tim Franco se mêle à une esthétique minimaliste au service des sujets qu’il raconte. Le portrait est souvent au centre de ses projets. Ceux de cette série marquent par leur sensibilité et leur profondeur.


